La dévitalisation des centres-villes, un problème encore inconnu en Allemagne.
Le premier mars, le New York Times consacrait un article à Albi et à ses « rues désertes » pour illustrer l’agonie des villes moyennes françaises. Un peu plus tard, en septembre, dans un article publié sur le blog du Monde « L’interconnexion n’est plus assurée », c’est la « petite et animée » ville de Brühl de 45.000 habitants située à mi-chemin entre Cologne et Bonn que le journaliste et auteur français Olivier RAZEMON choisissait pour illustrer le dynamisme des villes moyennes outre-Rhin. Ce contraste saisissant entre les descriptions de ces deux villes aux dimensions pourtant comparables, symboliserait-il la trajectoire opposée des centres-villes français et allemands ?
Certains ont reproché au journaliste du célèbre quotidien américain d’avoir dépeint un tableau d’Albi plus noir qu’il ne l’est en réalité. Peut-être Olivier RAZEMON a-t-il aussi exagéré la vision très dynamique de la ville allemande de Brühl, de manière consciente ou non, pour mieux mettre en exergue son postulat de départ à savoir la triste situation française. Beaucoup ont d’ailleurs fait grief à l’auteur de « Comment la France a tué ses villes » d’avoir eu une approche très négative de la dévitalisation urbaine dans son livre.
Mais des données objectives nous obligent à reconnaitre que ces impressions de visiteurs reflètent une certaine réalité. Ainsi, selon nos analyses, 62 % du chiffre d’affaires du commerce en France était généré en périphérie en 2012, contre 25 % en centre-ville et 13 % dans les quartiers. En Allemagne, la même année, les proportions étaient les suivantes : 33 % en périphérie, 33 % en centre-ville et 33 % dans les quartiers.
Indicateur propre à l’Allemagne, « l’indice de centralité » révèle également l’attractivité commerciale des villes moyennes du pays. En effet, nombre d’entre elles présentent un indice de centralité nettement supérieur à 100 montrant
que le chiffre d’affaires réalisé par les commerçants dans ces villes est supérieur à celui que peut générer la seule population locale.
En outre, nous avons souvent constaté lors de nos études de terrain en Allemagne pour le compte de notre club EURELIA que l’approche ne pouvait pas être dominée par l’opposition centre-ville - périphérie. Analyser la structure commerciale d’agglomérations allemandes, c’est d’abord analyser l’offre commerciale de centres-villes qui restent très puissants et, ensuite, analyser la manière dont l’offre de périphérie la complète, si offre de périphérie il y a.
Les Allemands, qui mènent depuis les années 60, une politique très stricte en matière d’implantations commerciales, ont su résister à la pression de la grande distribution attirée par les emplacements en périphérie bénéficiant d’un foncier meilleur marché. L’attractivité des centres-villes a ainsi été préservée. L’engagement des pouvoirs publics allemands a sans aucun doute été essentiel pour la défense des centres-villes du pays mais il serait réducteur de dire que la chose n’est qu’affaire de volonté dont nous, Français, n’aurions su faire preuve. Il convient ici de mentionner les avantages structurels de l’Allemagne qui ont aussi joué en sa faveur : une densité de population près de deux fois supérieure à celle de la France, la structure fédérale du pays, la présence de grandes villes sur l’ensemble du territoire, la puissance de l’activité industrielle…
Si les Allemands ont su défendre leurs centres-villes face à la grande distribution, une nouvelle question occupe actuellement les esprits sur le deuxième marché e-commerce en Europe à savoir l’impact qu’auront les nouveaux usages shopping sur les commerces de centre-ville. Les avis des experts sont partagés sur le sujet outre-Rhin. De notre côté, nous continuerons de nous intéresser à l’évolution du débat sur la question et à vous faire part de nos observations.